La fois où l'on m'a touchée les fesses en soirée dansante

Oui, ça s'est passé il y a cinq ans. Mais si parfois j'y pense encore, c'est peut-être que ce n'était pas rien ? Dans cet article, j'aborde ce sujet qui nous concerne tous, cavaliers comme cavalières, et je vous donne des pistes pour savoir quoi faire si ça vous arrive.

L'Académie de Danse 4 Temps dispose de documents spécifiques pour gérer les agressions sexuelles en soirées. Il existe un document pour les professeurs et un pour les danseurs, qu'ils soient victimes, témoins ou agresseurs. Je vous invite vivement à les consulter. Ils sont disponibles sur le site de l'AD4T pour tous nos adhérents ou par simple demande au secrétariat de l'AD4T (mail, messenger, etc.)

Télécom affiche ouvertement sa politique tolérance zéro envers les agressions sexuelles. Beaucoup de choses ont été mises en œuvre pour parvenir à ce résultat, et c'est une excellente chose.

Pour autant, il y a quelques années, les choses étaient moins nettes.

Notez que je parle au neutre et pas au féminin, car ce genre d'expérience peut arriver aux hommes également (j'en connais).

Ma version des faits

C'était il y a cinq ans. Je dansais avec un bon danseur, que tout le monde connaissait. Dans un penché, j'ai senti sa main sur mes fesses. Pas frôlée, mais plusieurs très longues secondes. Il a continué à danser comme si de rien n'était.

Moi, je n'ai rien dit, mais j'ai fait la gueule, bloqué les penchés suivants et réduit mes mouvements au strict minimum. Je me suis éclipsée juste après la danse.

J'ai souri à tous mes cavaliers suivants, comme si tout allait bien.

Ce danseur, je le croise encore parfois en soirée. Il ne m'a plus jamais invitée, comme s'il me reprochait quelque chose. Au fond, je ne sais même pas s'il est conscient de ce qu'il a fait ou si c'était un accident.

Je n'ai rien dit, d'ailleurs c'est la première fois que j'en parle. On sait que c'est grave d'accuser quelqu'un, et personne n'a envie de ternir la réputation d'un danseur, surtout quand on n'est pas sûr de ce qu'il s'est passé.

Ce que j'ai fait

Nier

Se faire agresser est choquant, le cerveau nie les faits. Surtout quand le danseur fait comme si de rien n'était et que personne n'a rien vu. Surtout quand le danseur est connu et respecté du milieu.

On doute, on se dit qu'il n'a pas fait exprès, que ce n'est pas possible, que rien ne s'est passé. Et plus le temps passera, plus les souvenirs s'effaceront et plus on doutera : « peut-être que c'est moi qui ai exagéré ».

Si vous manquez de confiance en vous, que vous soyez claqué ou un peu fragile au moment des faits, votre cerveau va tenter de vous préserver de ce stress supplémentaire, pour vous protéger.

Il va vous proposer deux cents scénarios pour justifier ce qu'il s'est passé et vous faire croire que tout va bien.

Ne pas réagir

Dans l'immédiat, on est tellement choqué (on parle de sidération psychique) qu'on ne sait pas quoi faire. Ce genre d'événement est tellement inattendu, le cerveau ne sait pas gérer ça.

Selon notre rapport à ce genre d'événement, on réagira ou non. (Oui, c'est triste à dire, mais quand on a l'habitude, on est moins surpris. Si quelqu'un réagit, c'est que son cerveau est opérationnel et donc que n'est probablement pas la première fois que ça lui arrive.)

Dans mon cas, je n'ai rien fait, rien dit. J'ai juste fait la gueule, je dansais sans être là, comme distante par rapport à moi-même.

Me culpabiliser

À l'époque, je me considérais comme une débutante : et si c'était de ma faute ?

Peut-être que j'avais mal compris son guidage, et que je me suis moi-même placée dans une situation qui lui a fait faire un mauvais mouvement ?

Je portais une robe bleu vif, plutôt moulante, peut-être que l'on voyait trop mes formes et que j'étais trop aguicheuse. #éducation-du-siècle-dernier

Je me disais que j'aurais dû porter quelque chose de plus sage. Après tout, ce qui m'est arrivé, je l'ai cherché, non ?

Craindre le regard des autres

Si je parle, on va dire que j'exagère. Après tout, tout le monde le connaît et tous l'aiment bien, ce n'est pas un pervers.

On ajoutera que franchement, je ne suis pas crédible, que si ça m'était vraiment arrivé, j'aurais réagi.

Pire, si c'est un danseur avec qui j'échange beaucoup, on va dire que je fais ma sal*pe et que je me venge. (Encore une fois, j'en connais)

On a déjà du mal à supporter et à faire le point sur ce qu'il s'est passé, alors on n'a pas envie d'entendre les gens dire ça.

Ces mêmes pensées tournent déjà dans nos têtes, ça fera trop à supporter. Alors on se tait.

Ce que j'aurais dû faire

En parler avec lui/elle

C'est la manière la plus simple de dissiper un malentendu. Il vous a frôlé les seins et vous avez un doute ? Demandez-lui, que ce soit sur le moment ou plus tard.

S'il s'excuse platement, il est probable que ce soit une erreur involontaire. Dans tout les autres cas, s'il se justifie, s'il vous dit que vous exagérez ou s'il s'excuse bizarrement... Parlez-en avec un responsable.

En parler avec les respos ou les profs ou l'AD4T

C'est la chose la plus importante. Vraiment. PARLEZ-EN AVEC UN RESPO ou un prof. Nous sommes tous sensibilisés à ce genre de problématique.

Si vous êtes sûr de vous, dites-le : selon les clubs, il sera exclus directement, définitivement ou non, ou il recevra un avertissement.

Si vous avez peur d'accuser quelqu'un à tort, dites-le aussi : s'il n'y a que votre plainte, ce n'était peut-être pas intentionnel. Le respo se contentera alors de prendre en compte votre remarque et se renseignera auprès des autres clubs ; s'il reçoit d'autres plaintes, il exclura la personne.

Sachez-le. On a besoin de vous. Parfois, en tant que respo, on a des doutes. On essaie de surveiller, mais on ne peut pas être partout. Si vous ne dites rien, on ne peut rien faire. Et croyez-moi, c'est frustrant de se dire qu'il se passe peut-être quelque chose et de ne rien pouvoir faire.

Et si jamais le soucis c'est le respo ? Franchement, j'espère que ça n'arrivera jamais. Pour autant, être responsable n'empêche pas certaines personnes de faire des c*nneries. Si cela vous arrive, contactez quelqu'un du conseil d'administration de l'Académie de Danse 4 Temps. Et si c'est quelqu'un du conseil d'administration de l'AD4T ? Contactez l'un de ses confrères. À l'AD4T, nous sommes très nombreux à abhorrer ce genre d'attitude ; ce sera tolérance zéro même pour l'un d'entre nous.

Déposer une main courante

Ce paragraphe, c'est celui que vous ne voulez pas lire si vous venez de subir un agression et que vous êtes en train de nier/minimiser les faits.

« Tout acte sexuel (attouchements, caresses, pénétration…) commis avec violence, contrainte, menace ou surprise est interdite par la loi et sanctionnée pénalement. Les agressions sexuelles autres que le viol sont des délits. La peine encourue est de 5 ans et de 75 000 € d’amende. »

Vous ne voulez probablement pas faire ça à quelqu'un.

Mais si l'agresseur a eu une attitude vraiment répressible (attouchements répétés, pression psychologique), essayez de déposer une main courante au commissariat. La main courante est une façon de rapporter des faits sans suite juridique. Les faits sont consignés et ça s'arrête là. Si quelqu'un porte plainte contre votre agresseur, vos propos pourront servir à l'instruction du dossier.

Si votre agresseur a un bon fond, peut-être qu'un acte fort comme une main courante lui permettra de se rendre compte que ce n'était pas un jeu, et il corrigera son comportement.

Pour l'avoir déjà fait, allez-y avec quelqu'un que vous connaissez, car c'est éprouvant.

Sachez que la police s'attend à ce que vous soyez sûr de vous (« bah oui Madame, on ne va pas accuser quelqu'un si vous doutez »), même si votre cerveau essaie de vous convaincre qu'il ne s'est rien passé.

Bien s'entourer

Ne restez pas seul après une agression.

Ne laissez pas vos proches seuls après une agression. Certains en ayant fait les frais diront qu'ils s'en foutent, pourtant ils n'oublieront pas.

Vous avez le droit de vous sentir mal et de demander de l'aide, ça ne fait pas de vous quelqu'un de faible.

Si vous ne voulez pas vous confier, dites simplement à vos proches que vous avez besoin qu'ils vous changent les idées et qu'ils soient présents pour vous.

En bonus : réagir immédiatement

Que peut-on faire sur l'instant ? C'est très difficile de réagir vite, car souvent on ne comprend pas ce qu'il se passe et on met un moment à réaliser.

Parfois, on se dit que c'est malpoli d'interrompre la danse. Vous n'avez pas besoin que je vous explique qu'en cas de doute, la politesse en la dernière chose à laquelle vous devriez penser ?

Vous doutez et vous vous sentez capable de réagir immédiatement ? Vous pouvez l'apostropher « heu c'est mes fesses que tu as touchées ? », vous barrer, le gifler, crier ou vous débattre (typiquement s'il vous maintient).

À tous ceux qui doutent

Parfois, surtout quand on débute, on se demande ce qui est un accident et ce qui n'en est pas un. Voilà une typologie des cas de figures.

S'il vous plaît, évitez de lire la partie ci-dessous si ça ne va pas fort ; j'essaie d'être factuelle (et donc détachée/froide)

Danser trop proche, simultanément

S'il y a beaucoup de monde autour de vous, c'est normal de danser proche. Pour autant, si vous êtes mal à l'aise, vous avez le droit de refuser une danse ou de changer d'avis pendant la danse et demander d'arrêter.

Si votre danseur se colle à vous alors qu'il y a de la place, dites-le lui. S'il ne prend pas votre remarque en compte, plantez-le sur la piste.

Maintenir quelqu'un

Si votre danseur vous tient vos deux mains fermement, vous avez de quoi vous poser des questions. Si vous ne savez pas danser, c'est une attitude compréhensible, puisqu'il est plus facile de suivre ainsi.

Dans tous les autres cas, ce n'est pas normal.

Les fesses

Si l'un des danseurs maîtrise mal son cadre, il est possible de frôler des fesses pendant certaines passes (comme les espagnoles). Cela ne devrait pas arriver, donc allez vite voir un prof pour corriger tout ça.

Si le contact est prolongé ou si cela arrive à un bon danseur sans erreur de guidage/suivi ni déséquilibre, ce n'est pas normal.

Les seins

Pour danser depuis sept ans en cavalière et en cavalier, je peux vous dire qu'il m'arrive de frôler des seins, 1 fois tous les deux mois en moyenne.

Je pense que si j'étais un mec, je ferai vraiment attention à ce que ça ne m'arrive pas du tout. C'est comme pour le paragraphe précédent, ça ne devrait pas arriver. Si c'est le cas, consultez un prof.

L'intérieur des cuisses et le pubis

Que ce soit clair. Ce n'est pas possible d'être touché là involontairement. Si quelqu'un vous soutient le contraire, il respire la mauvaise foi.

La seule exception est certaines accros, mais normalement la personne sait qu'elle devra vous toucher avec une certaine proximité et vous aura demandé votre consentement.

Pression psychologique

La question épineuse de cet article. Quand c'est un danseur que vous connaissez bien qui vous agresse, ce n'est pas facile à gérer… Et c'est pire quand on vous met la pression, que ce soit l'agresseur ou ses amis. Exemples :

  • La fois où ses amis vous disent que l'agresseur est « vraiment désolé que tu l'aies pris ça comme ça, est-ce que tu peux te calmer maintenant qu'il s'est excusé ? » (true story)
  • La fois où l'agresseur vient vous voir pour essayer de deviner si c'est vous qui avez pourri sa réputation : « non mais sérieux, tu entends ce qu'ils disent sur moi ? vraiment je comprends pas, j'ai rien fait » (true story)
  • La fois où l'agresseur a menacé de détruire votre réputation (true story)

Si ça vous arrive par sms ou messenger, screenshotez direct.

Croyez en vous

Je finirai là dessus :

Vous n'êtes pas qu'une victime, vous êtes bien plus que ça, vous êtes une personne formidable. Croyez en vous. N'ayez pas honte.