Le prise de parole

S'exprimer de manière concise et efficace devant ses élèves est une tâche laborieuse. En étant conscient de votre parole, vous ferez beaucoup de progrès.

6/ Le choix de mots : la quantité

▶ Ne parlez pas trop !

Soyez efficace avec vos mots. Choisissez-en seulement quelques-uns marquants, à la fois vifs et évocateurs mais également précis.

  1. Vos élèves préféreront passer plus de temps à pratiquer leur danse qu'à vous écouter parler.
  2. Ils ont besoin de traiter mentalement l’information, ce qu’ils ne peuvent faire que dans des moments de calme.
  3. Le cerveau sature au bout d’un certain nombre de mots, et ils ne vous prêteront alors plus attention.
  4. Que vous l’appréciez ou non, vos élèves sont habitués à recevoir les informations de manière très rapide, via les médias, et les trop longues explications les rendront impatients. Vous ne pouvez pas les changer, à vous de prendre ce paramètre en compte pour être un meilleur professeur.

Oui, vous devez faire passer votre message avec des mots, mais utilisez-en le moins possible − ceux qui vont efficacement transmettre à la fois les détails et l’esprit de la danse.

Ceci inclut de ne pas compter quand la musique joue : 1-2-3-4-5-6-7-8, non-stop. Non ! Vos élèves savent compter seuls avec la musique. Beaucoup d’élèves se plaignent de cette pratique, qui peut devenir exaspérante.

Un autre type d’avalanche verbale qui irrite les élèves est les encouragements constants « Vas-y tu peux le faire ! Allez ! Tu te débrouilles très bien ! » L’enthousiasme et la stimulation sont importants évidemment, mais ce flot incessant de mots doit être évité. Les élèves ont besoin de se concentrer sur ce qu’ils font. De plus, ils risquent de manquer un conseil important que vous leur prodiguerez, et qui sera noyé dans vos encouragements.

▶ Ne parlez pas trop longtemps

Si vous avez l’impression que vous avez parlé un peu trop longtemps, c’est qu’en vérité vous avez parlé beaucoup trop longtemps. Pourquoi ? Avez vous déjà fait le trajet jusque chez quelqu’un en suivant à la lettre des indications élaborées, et ensuite pensé que le trajet était long ? Et la fois suivante, maintenant que ce trajet vous est connu, il vous semble beaucoup plus court ? La durée du trajet en réalité est la même, mais vous avez l’impression qu’elle est deux fois plus courte. Pourquoi ? Parce que vous savez où vous allez, vous pouvez visualisez votre destination. Votre esprit y est déjà, donc le trajet semble plus court.

La dynamique du discours est la même. Vous connaissez déjà le trajet (c’est à dire ce que vous comptez présenter), mais pas vos élèves. C’est leur première fois sur ce trajet, et cela peut leur sembler comme une éternité alors que vous pensez le contraire : « ça ne prend pas trop de temps à raconter ». Qui a raison ? C’est eux.

7/ Le choix des mots : la qualité

Soyez à la fois poète et précis. Utilisez des métaphores et des images tout en conservant l’aspect technique et théorique de votre danse. Soyez inspirant. Enseignez un aspect à la fois.

Apportez si possibles des mesures quantitatives aux mouvements − longueur des pas, angle de rotation, etc.

Ne soyez pas non plus trop spécifique dans vos explications : ne passez pas trop de temps à décrire les ajustements qui se font selon les partenaires, ou ceux effectués lorsqu’une danse favorise l’individualité. Recevoir trop de détails est une des bêtes noires des danseurs.

Outre les placements des pas, n’oubliez pas les autres aspects physiques d’une danse : la qualité des mouvements, les niveaux d’énergie, la posture, la position de la main libre, l’expression du visage, la fluidité du mouvement, etc.

Soyez constant dans votre terminologie. Si une passe a est connue sous cinq noms différents dans différentes écoles/traditions, choisissez-en un et gardez-le. L’usage de trop de dénominations pourrait perturber vos élèves.

Si vous voulez qu’ils retiennent le nom d’une passe, faites-les le prononcer à voix haute. Cela permet au nom de traverser différentes zones du cerveau (plus qu’avec une simple écoute), et ainsi aide à la mémorisation.

B.a.-ba pédagogique : répétez les questions avant d’y répondre. Elles n’ont pas forcément été entendues par toute l’assemblée.

Même si vou n’en avez aperçu qu’un soupçon, soulignez et faites remarquer ce que vous voudriez voir chez vos élèves. Choisissez d’être plus positif que négatif. Essayez de garder l’anonymat de ceux qui font des erreurs, soyez discret, quitte à revenir personnellement vers eux plus tard. En revanche vous pouvez mettre en valeur des élèves qui se débrouillent bien.

▶ Expliquez pourquoi une figure se construit de telle manière. Une explication logique fait toujours une meilleur et plus longue impression que des règles arbitraires, ou que de dire « Parce mon professeur me l’a enseigné ainsi. »

En revanche, n’inventez pas de réponse. Pourquoi ? Parce que, de nos jours, les personnes et particulièrement les jeunes, en ont marre des dogmes, et sont de plus en plus habiles dans la détection et le démontage des arguments factices. Encore une fois, l’authenticité est la source de la véritable autorité.

L’enseignement conditionnel. Les travaux du docteur Ellen J Langer*, (Université de Harvard, département de psychologie) ont démontré qu’en présentant des faits à vos élèves comme des vérités absolues, ils ont tendance à utiliser l’information de façon inconsidérée, prenant souvent de mauvaises décisions, inappropriées ou restreintes. En revanche, quand la même information leur est donnée d'une façon conditionnelle (« Il peut en être ainsi, mais il peut aussi en être de telle ou telle manière »), ils traitent et utilisent les informations de façons plus intelligentes, efficaces et créatives et apprécient plus votre enseignement. L’impact sur la qualité de votre enseignement peut être considérable.


*Ellen Langer, Michael Hatem, Jennifer Joss & Marilyn Howell, Conditional teaching and mindful learning, Creativity Research Journal Vol. 2 , Iss. 3,1989, doi:10.1080/10400418909534311
Ellen Langer, The Power of Mindful Learning, livre.